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Nature de l’action indemnitaire pour rupture brutale des relations commerciales établies, au sens du droit de l’Union européenne
Droits des contrats - distribution - concurrence - consommation
31 mai 2017
Par un arrêt en date du 14 juillet 2016, C-196/15, Granarolo SpA c. Ambrosi Emmi France SA, la Cour de justice de l’Union européenne a eu à se prononcer sur deux questions préjudicielles, dans un litige pour rupture brutale des relations commerciales établies sur le fondement de l’article L.442-6, I, 5° du code de commerce.
La première question était relative à la nature de l’action indemnitaire pour rupture brutale des relations commerciales établies. On sait qu’en droit interne la Cour de cassation a consacré la nature délictuelle d’une telle action (Com., 18 janv. 2011, n° 10-11.885 ; Com., 20 mai 2014, n° 12-26.705).
La CJUE, quant à elle, rappelle que les termes « matière contractuelle » et « matière délictuelle » au sens du règlement Bruxelles I bis, « ne sauraient être compris comme renvoyant à la qualification que la loi nationale applicable donne au rapport juridique en cause devant la juridiction nationale ». Autrement dit, ces qualifications font l’objet d’une interprétation autonome en droit de l’Union.
À l’inverse de leurs homologues français, les juges européens retiennent ainsi qu’une action indemnitaire fondée sur une rupture brutale des relations commerciales établies de longue date ne relève pas de la matière délictuelle ou quasi délictuelle au sens du règlement Bruxelles 1, s’il existait, entre les parties, une relation contractuelle tacite.
Cette solution marque donc une divergence entre le droit interne et le droit de l’Union européenne quant à l’appréciation de la nature de l’action pour rupture brutale des relations commerciales établies. La CJUE consacre dans cette décision une appréciation plus large de la notion de matière contractuelle en y englobant les relations contractuelles tacites.
La Cour prend soin de préciser que la démonstration de la « relation contractuelle tacite » doit reposer sur « un faisceau d’éléments concordants ». Parmi ces éléments la Cour mentionne notamment l’existence de relations commerciales établies de longue date, la bonne foi entre les parties, la régularité des transactions et leur évolution dans le temps exprimée en quantité de valeur, les éventuels accords sur les prix facturés et/ou les rabais accordés, ainsi que la correspondance échangée.
La seconde question posée à la CJUE était de savoir, dans le cas où la nature contractuelle de l’action indemnitaire serait retenue, si l’article 5.1, b) du règlement Bruxelles 1 devait être interprété en ce sens que les relations commerciales établies de longue date devaient être qualifiées de « contrat de vente de marchandises » ou plutôt de « contrat de fourniture de services ».
Cette question est essentielle pour déterminer « le lieu de l’obligation qui sert de base à la demande », conformément au principe de compétence propre à la matière contractuelle, qui figure à l’article 5.1, a) du règlement Bruxelles 1.
La CJUE rappelle dans cet arrêt que les relations commerciales établies de longue date reposant sur une relation contractuelle tacite doivent être qualifiées de « contrat de vente de marchandises » si l’obligation caractéristique du contrat en cause est la livraison d’un bien, ou de « contrat de fourniture de services » si cette obligation est une prestation de service.
La Cour rappelle ainsi qu’une relation commerciale établie de longue date reposant sur un contrat de distribution, peut, au sens du droit de l’Union, doit être qualifiée de contrat de fourniture de services. Il faudra pour cela vérifier quels avantages reçoit le distributeur de la part du fournisseur (publicité, transmission d’un savoir-faire, facilités de paiement, etc…).